Rencontre avec Tim Greacen, Docteur en psychologie et Directeur du Laboratoire de recherche EPS MB – La Santé Mentale –

Mercredi 9 Avril 2014, je pense pouvoir affirmer avoir eu la chance et l’honneur de rencontrer Monsieur Tim Greacen, docteur en psychologie, et directeur du laboratoire de recherche de l’Établissement public de santé Maison Blanche à Paris (EPS MB).

L’établissement Public de Santé Maison Blanche est l’un des quatre établissements publics de santé parisiens spécialisés en psychiatrie. Il assure la prise en charge en santé mentale de la population du nord et de l’est parisien (9e, 10e, 18e, 19e, 20e arrondissements), regroupant 10 secteurs de psychiatrie adulte et 2 secteurs de pédopsychiatrie.

Tim Greacen est l’auteur de nombreux livres sur les droits des usagers du système de soins et la promotion de la santé. Lors de notre rencontre celui-ci a délivré son regard, ses actions et les nouvelles notions-clés dans le domaine de la santé mentale, ainsi que les évolutions du système de santé en la matière.

L’occasion pour moi (et pour vous) d’en connaître davantage sur un « mal » très répandu qu’est la Dépression. Qu’est-ce que le « Recovery » ? , la notion de « Promotion de Santé Mentale » ? d’« Empowerment » ? Que sont les « Entendeurs de voix » ?

Extrait de cette rencontre passionnante avec une personne aussi brillante que dotée d’humour …

Quel type de public touche la Dépression ?

La dépression n’est pas « exceptionnelle » puisqu’elle concerne tout de même 12 % de la population. Notons de plus que dans ce pourcentage ne sont pas inclus les personnes ayant déjà connu cet état sans le déclarer, ni celles  l’ayant connu sans en être conscientes.


Par quels signes pourra-t-on identifier une personne/collègue de bureau en état dépressif ?

Ce dernier sera difficile, isolé, négatif, à fleur de peau, irritable, sujet à des troubles du sommeil et à des retards chroniques (conditions cumulatives ou non).


Pourquoi la dépression n’est-elle pas exceptionnelle ?

Car celle-ci peut se manifester chez n’importe lequel d’entre nous survenant souvent suite à des chocs émotionnels.
Lorsque nous perdons un être cher, nous vivons / portons un deuil, donc sommes obligatoirement en dépression. C’est une période de vide, d’épuisement, une période « down » où l’esprit réalise une démarche forcée et spécifique dans le but de pouvoir continuer à vivre (tant bien que mal)… « vivre avec … »

25 % des travailleurs en France prennent des congés pour des raisons de santé mentale. Le plus souvent dans ces cas-là, le médecin va notifier sur l’ordonnance « un mal de dos », et effectivement le mal de dos est un symptôme de la dépression.

C’est ce que nous appelons les maladies psychosomatiques  (ceci sera l’objet d’un prochain article) ou lorsque le corps, le physique devient l’écho d’un état d’angoisse ou de détresse morale.


En France, 600.000 personnes vivent avec une psychose, soit 1 % de la population française, ce qui est relativement conséquent. Une psychose désigne un trouble, ou une condition anormale de l’esprit évoquant le plus souvent une « perte de contact avec la réalité. »

Aux Etats-Unis le système de santé est nul, n’ouvrant l’accès aux soins qu’aux personnes les plus aisées, sans compter les fermetures d’hôpitaux. Le système de soins y est donc relativement inaccessible pour le malade. De ce fait les associations des usagers sont davantage performantes dans ce pays car elles luttent pour faire garantir des droits fondamentaux et non transgressibles.

La notion de Recovery

La notion de recovery fait référence à celle de rétablissement et au fait que l’on peut apprendre à vivre avec un trouble psychique majeur. Il ne s’agit pas d’une guérison car les risques de  rechute sont toujours présents.

Ce projet de rétablissement a pris racine à partir du PROJET EMILIA (Empowerment of Mental Health Service Users Through Life-Long Learning), Integration and Action), né en Pologne. Il constitue un exemple européen de processus d’inclusion sociale pour les personnes vivant avec un trouble psychique.

Lorsqu’on parle de rétablissement, cela ne veut pas forcément dire « viser un retour à la normale ».

Il y a 5 notions importantes dans le rétablissement :

1-    l’Espoir : pouvoir (ré)imaginer un avenir. Avant même l’espoir on met en avant les rêves ( cf Projet EMILIA , dont je vous parlerai dans un prochain article).

2-    La Responsabilité Personnelle : la personne est auteur et responsable de ses actes.

3-    La Formation : incluse la notion d’ « empowerment », c’est-à-dire que les gens vont relativement mieux si on leur donne une explication, une formation sur ce qu’ils ont.

4-    Le Plaidoyer : c’est l’idée qu’une personne en situation d’exclusion sociale doit avoir un allié, quelqu’un qui lui permette de s’armer contre le système car il le connaît bien, quelqu’un d’indépendant du système de soin.

5-    Le Soutien : la personne est capable de soutenir et recevoir du soutien. Reconnaître la personne capable de nous aider. La personne malade est forcément gagnante dans cette démarche.

Dans d’autres systèmes, on construit sur la façon de repenser les soins en psychiatrie, à savoir ne pas penser la personne malade comme un « tas de problème »  mais comme un « tas de solutions ». Par quel moyen ? : Le WRAP.

La notion de WRAP

WRAP ou autrement dit comment aider la personne à construire son projet de santé avec des éléments positifs (nous parlons bien ainsi de projet de santé et non de projet de vie).

La solution trouvée est de travailler sur le Bien-Être. Malheureusement en psychiatrie, on ne parle et ne réfléchit que sur le mal-être de la personne malade, mais qu’est-ce que le Bien-Être ? Il est essentiel de concevoir cette notion, capitale dans le processus de rétablissement du malade.

Les « entendeurs de voix »

Beaucoup de personnes peuvent entendre des voix au quotidien mais ces derniers apprennent à les gérer. C’est ce qui fait la différence entre les « entendeurs des voix » et les usagers en psychiatrie.

Cette nouvelle approche existe depuis une dizaine d’années déjà et a été développée en Europe par un psychiatre hollandais. Cette approche vise à apprendre aux personnes à mieux vivre avec leurs voix, plutôt que d’en demeurer des victimes impuissantes (ceci fera l’objet d’un prochain article).

L’autre difficulté aujourd’hui n’est pas juste de se remettre de la maladie mais de se remettre également de l’exclusion sociale.

L’inclusion sociale

C’est le contraire de l’exclusion sociale.

Tim Greacen insiste sur le fait que nous, associations,  en tant que travailleurs sociaux, devions devenir des acteurs de l’inclusion sociale.

Il ne suffit pas de réhabiliter la personne dans un environnement hors hospitalier pour qu’elle s’adapte, il faut également « changer le monde », c’est-à-dire :

1-    Changer la personne (notion d’empowerment) : lui donner un fauteuil roulant (= la compensation), lui montrer comment l’utiliser (= la formation), lui accorder des droits (= l’écoute)

2-    Changer le monde : aménager la ville pour permettre la circulation des fauteuils roulants. Mais également aménager les esprits pour valoriser la différence, se dire que l’on a sûrement des choses à apprendre  de la personne en fauteuil roulant.

La « Promotion de la Santé Mentale »

La notion de Bien-Être varie selon les individus.

Le philosophe FOUCAULT parle d’une société agissant par la « gouvernementalisation des comportements individuels » et introduit la notion d’une biopolitique, c’est-à-dire une politique de santé cherchant à organiser la vie de tous et construite sur la tension entre le modèle curatif et le modèle préventif.

En 1958, la réforme DEBRE crée le C.H.U (Centre Hospitalier Universitaire) avec pour la première fois la présence de médecins à plein temps.

En 1960, création des CMP (Centres Médicaux Psychologiques) dans chaque secteur assurant un rôle essentiellement préventif.

La révolution arrive avec l’épidémie du SIDA. Une nouvelle population sujette à maladie que l’on ne peut soigner, ce qui a occasionné une incapacité de gestion de la part des systèmes de santé.

L’OMS (Organisation Mondiale de la santé) met en place l’idée du Bien-Être en tant qu’idéal, l’’idée que l’individu participe et contribue à la santé (= promotion de la santé) ; elle permet de considérer la santé non plus uniquement comme une absence de maladie, mais comme un épanouissement, une optimisation de l’individu, sa capacité à produire, son pouvoir sur son milieu et son  « empowerment ».

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