La responsabilité du fait des produits défectueux est la situation dans laquelle un producteur engage sa responsabilité délictuelle du fait d’un défaut de sécurité de l’un de ses produits ou services entraînant un dommage à une personne quelle qu’elle soit.
Il s’agit d’une responsabilité de plein droit, objective, indépendante de la notion de faute et de la nature contractuelle ou non du lien qui unit la victime et le responsable du dommage. Le produit à l’origine du dommage devra avoir été mis en circulation et être défectueux.
La responsabilité du fait des produits défectueux a vu le jour avec la directive communautaire du 25 juillet 1985 transposée 13 ans plus tard en France après deux condamnations par la CJUE. La loi de 1998 qui introduit ce régime de responsabilité possède deux caractères fondamentaux :
Les éléments constitutifs de cette responsabilité
La victime d’un dommage résultant d’un produit de santé défectueux n’aura pas à démontrer la preuve d’une faute pour obtenir réparation de son préjudice. Le responsable ne pourra donc pas s’exonérer en prouvant qu’il n’a pas commis de faute. Il ne pourra non plus s’exonérer en prouvant que la chose a été produite dans les régles de l’art, ou conformément aux exigences en vigueur.
Pour être indemnisée intégralement, la victime devra prouver trois choses :
- un dommage,
- un défaut du produit,
- un lien de causalité entre le dommage et le défaut du produit.
Les produits visés dans ce régime de responsabilité
La notion de produits de santé retenue est large, en effet, elle concerne selon l’article 1386-9 du Code civil :
- les médicaments,
- les cosmétiques,
- les dispositifs médicaux,
- les vaccins,
- les produits issus du corps humain,
- les produits de thérapie génique et cellulaire
- les produits sanguins labiles.
Au final, ce sont tous les produits visés à l’article L5311-1 du Code de la santé publique.
Les dommages résultant de la contamination du fait de la transfusion des hémophiles par le virus VIH relèvent de l’indemnisation par la solidarité nationale (voir fiche sur le sujet).
La notion de mise en circulation
L’article 1386-5 du Code civil prévoit qu’un produit est mis en circulation quand le producteur de celui-ci s’en est dessaisi volontairement.
Autrement dit, le produit est sorti du processus de fabrication pour entrer dans le processus de commercialisation.
Les délais pour agir
La loi prévoit deux délais pour agir et au-delà desquels on ne pourra plus agir :
Le délai de prescription : l’article 1386-17 du code civil impose un délai de 3 ans « à compter de la date à laquelle le demandeur a eu ou aurait dû avoir connaissance du dommage, du défaut et de l’identité du producteur. »
Le délai de forclusion : la victime ne peut plus agir contre le producteur au-delà de 10 ans à compter de la mise en circulation du produit. Si le dommage survient dans ce délai de 10 ans, alors l’action de la victime se prescrit par 3 ans, à compter du jour où elle a eu, ou aurait dû avoir connaissance du défaut de sécurité. Selon l’article 1386-5 du code civil, ce « produit est mis en circulation lorsque le producteur s’en est dessaisi volontairement. Un produit ne fait l’objet que d’une seule mise en circulation. »
Défectuosité du produit
Un produit est défectueux quand il n’offre pas au patient « la sécurité à laquelle on peut légitimement s’attendre. »
On doit tenir compte de la présentation du produit, de l’usage qui peut en être attendu et du moment de sa mise en circulation.
Le danger résultant du produit ne sera appréhendé que s’il résulte d’un défaut de sécurité, d’une anomalie ou d’une défaillance.
La défectuosité d’un produit de santé pourrait naître d’un défaut d’information (CA Paris, 23 septembre 2004). Néanmoins, elle ne saurait se déduire de la mention d’un effet secondaire porté sur la notice d’un médicament, dès lors que cette mention n’a pas conduit à la remise en cause du rapport bénéfice : risque du produit.
La notion d’attente légitime de l’individu moyen à laquelle il est fait référence pour apprécier le défaut de sécurité conduit à exclure la responsabilité du producteur si son produit occasionne un dommage exceptionnel tenant à la complexion du malade.
De même, l’incompatibilité entre deux spécialités pharmaceutiques n’est pas de nature à constituer un défaut de sécurité, à moins qu’elle soit clairement établie.
Enfin, le producteur ne saurait être responsable des défauts causés par un produit prescrit en dehors d’une autorisation de mise sur le marché, car il doit seulement garantir la sécurité de son produit conformément à la validation faite par les autorités sanitaires.
Les personnes visées par ce régime de responsabilité
Le producteur et donc le responsable (lorsqu’il agit à titre professionnel) peut être :
- le fabricant d’un produit fini,
- le fabricant d’une matière première,
- le fabricant d’une partie composante.
Ils peuvent être co-responsables.
Le fournisseur d’un produit de santé ou un établissement peut être aussi dans certains cas assimilé au producteur. L’article 1386-7 alinéa du Code civil dispose en effet que « si le producteur ne peut être identifié, le vendeur, le loueur, à l’exception du crédit-bailleur ou du loueur assimilable au crédit-bailleur, ou tout autre fournisseur professionnel, est responsable du défaut de sécurité du produit, dans les mêmes conditions que le producteur, à moins qu’il ne désigne son propre fournisseur ou le producteur, dans un délai de trois mois à compter de la date à laquelle la demande de la victime lui a été notifiée. » Cette hypothèse reste assez marginale. Ainsi dans ce cas, un médecin ou un professionnel de santé peuvent voir leur responsabilité engagée (sans faute) en tant que fournisseur, notamment en cas de défaillance dans la traçabilité du produit.
Est assimilé au producteur toute personne qui se présente comme producteur en apposant sur le produit son nom, sa marque ou un autre signe distinctif.
La victime d’un dommage peut ainsi agir contre toute personne mentionnée sur l’étiquetage d’un produit :
- fabricant,
- vendeur,
- distributeur,
- titulaire d’un brevet ou d’une marque,
- titulaire de l’AMM,
- exploitant.
Le lien de causalité
Les juges se fondent sur des présomptions « graves, précises et concordantes » pour établir l’existence de la causalité qui n’est pas scientifiquement prouvée.
Les éléments permettant d’établir la probabilité de ce lien de causalité sont :
- les données statistiques entre la prise du médicament et la pathologie survenue chez le patient postérieurement à la prise du médicament,
- l’absence d’autres causes susceptibles d’expliquer la réalisation du dommage chez le patient,
- la durée entre la survenue du dommage et la prise du médicament.
Le demandeur à une action en responsabilité doit rapporter la preuve de l’imputabilité du dommage à l’administration du produit et le lien de causalité juridique entre le défaut et le dommage. Ainsi il est souvent fait recours à l’expertise pour établir l’existence du lien de causalité.
Les causes d'exonération
Le fabricant n’est pas responsable:
- S’il peut prouver qu’il n’avait pas mis le produit en circulation
- Si un tiers s’est emparé du produit contre son gré
- Si le défaut est né postérieurement à la mise en circulation du produit
- Si le produit n’était pas destiné à la vente ou toute autre forme de distribution
- S’il prouve que l’état des connaissances scientifiques et techniques au moment où il a mis le produit en circulation ne lui a pas permis de déceler l’existence du défaut, ce qui recouvre l’hypothèse du risque de développement.